Parfois malmene, l'intercommunalit espre se voir conforte


Le projet de loi Proximité et Engagement visera à apporter des corrections à la loi sur l'organisation territoriale d'août 2015, mais sans remettre en cause les fondements de l'intercommunalité à fiscalité propre, a assuré mercredi soir le ministre en charge des collectivités territoriales devant les présidents de communautés et métropoles.

La nouvelle carte intercommunale établie au 1er janvier 2017 fait apparaître "quelques aberrations", a fait remarquer Sébastien Lecornu. "Plutôt que le grand soir", l'avant-projet de loi qui est actuellement soumis à l'examen du Conseil d'État prévoit une procédure de "divorce à l'amiable", sans l'intervention du préfet. Cette procédure pourrait s'appliquer en particulier à des EPCI à fiscalité propre "XXL" (prise en exemple, une communauté "de 110 communes comptant 120.000 habitants"). Diviser par deux la superficie et la population de tel ou tel mastodonte "n'abîmera pas le phénomène intercommunal", a souligné le ministre. De même, le projet de loi permettra à une commune rurale appartenant à une communauté d'agglomération de sortir de celle-ci. Aujourd'hui, une procédure de ce type n'existe que pour les communes membres d'une communauté de communes. Cette "avancée de bon sens" ne "remettra pas en cause l'intégration intercommunale de ces dernières années", a là encore plaidé Sébastien Lecornu.

"Mieux d'intercommunalité, mais pas moins"

Le gouvernement compte par ailleurs remettre sur le métier l'organisation de la compétence en matière d'eau et d'assainissement. En apportant davantage de souplesse que la loi Fesneau d'août 2018. Dans tous les cas, l'EPCI à fiscalité propre sera "propriétaire" de la compétence. Mais il pourra déléguer son exercice à une commune ou un syndicat de communes, à charge pour lui d'assurer le contrôle. "Si une régie d'eau fonctionne bien depuis deux cents ans, pourquoi brusquer les habitudes locales ?" a fait remarquer Sébastien Lecornu. En observant que cette solution semble convenir à une grande partie des associations de maires et de présidents d'intercommunalité.

Parmi la batterie de mesures qu'il défend, le ministre a par ailleurs insisté sur la généralisation de la conférence des maires. Cette instance consultative que beaucoup d'intercommunalités n'auraient pas instituée, permettra de répondre au "sentiment de dépossession" que peuvent éprouver ici ou là des élus municipaux. Et ce, même si Sébastien Lecornu aurait préféré ne pas avoir à passer par la loi pour cela.

L'Assemblée des communautés de France (ADCF) prend acte de ces projets d'assouplissements, tout en notant que le droit actuel offre déjà "beaucoup de solutions et de souplesse", comme l'a indiqué son président, Jean-Luc Rigaut. "Que des correctifs soient proposés aux situations bloquées, tout à fait d'accord", a-t-il ajouté. En admettant qu'existent en "certains endroits" des périmètres "peu cohérents" et "un déficit de solidarité financière".

Mais, "attention à ceux qui voudraient renvoyer les communes à leur solitude d'autrefois ou à ceux qui nous disent : l'intercommunalité, c'est l'enfer", a averti le président du Grand Annecy. En affirmant aussi : "Nous voulons mieux d'intercommunalité, mais certainement pas moins d'intercommunalité." Une ligne rouge que le président de l'Assemblée nationale avait déjà tracée à l'ouverture de la rencontre. "À vouloir enlever les irritants, ne rendons pas malades les bien-portants", avait lancé Richard Ferrand. En estimant que "plus de 80% des intercommunalités sont heureuses (…) et se portent bien". Applaudi, il a par conséquent appelé ses collègues à "procéder par petites touches plutôt que par grands traits".

"Un instrument de solidarité fondamental"

Face aux critiques récemment venues de la part de citoyens ou d'élus à l'égard d'une intercommunalité pouvant être lointaine et risquant parfois de reléguer les maires au fleurissement du monument aux morts, plusieurs membres de l'ADCF - notamment au fil de vidéos diffusées pendant la soirée - ont tour à tour plaidé la cause de la coopération intercommunale. Dépasser l'esprit de clocher, permettre une plus grande cohérence dans l'implantation des équipements publics, passer d'une "organisation politique descendante" à une "organisation horizontale" qui favorise les synergies, donner la possibilité de monter des projets coûteux et complexes qui sont inconcevables à l'échelle d'une seule commune… Ou la réussite d'une "révolution silencieuse".

Plusieurs invités ont mêlé leur voix à ce panégyrique. La création de la taxe professionnelle unique à l'échelle des communautés a été "un instrument de solidarité fondamental", a par exemple souligné l'ancien ministre Jean-Pierre Chevènement, instigateur de la loi de 1999 qui a assuré en quelques années un essor considérable à l'intercommunalité (lire notre encadré ci-dessous). La mutualisation des équipes a permis de "muscler l'ingénierie des territoires" et ainsi de "faire naître l'intelligence territoriale", a estimé de son côté Richard Ferrand. "Ce mouvement est jeune et attend sa pleine maturité… Nous n'en sommes qu'à la fin du début", a déclaré le président de l'Assemblée nationale, reprenant une célèbre formule de Winston Churchill. Un avenir radieux qu'entrevoit également le ministre en charge des collectivités territoriales. Ce dernier a vanté "l'outil le plus génial pour arriver à répondre aux défis qui sont nouveaux". Et l'ex-vice-président de la communauté d'agglomération des Portes de l'Eure de citer parmi ces défis la transition écologique, les mobilités ou la prévention des inondations.

L'intercommunalité est "la bonne maille" pour la mise en œuvre des politiques territoriales de l'État, a jugé pour sa part Jean-René Cazeneuve, président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation au sein de l'Assemblée nationale. Peu après, la ministre de la Cohésion des territoires a confirmé que la contractualisation, telle qu'elle a déjà été pratiquée par exemple avec les Ardennes, la Bretagne, la Creuse ou le territoire Sambre-Avesnois-Thiérache (Hauts-de-France), sera "au cœur de l'action du gouvernement". Répondant à une demande de simplification et de plus grande cohérence formulée notamment par l'ADCF (Jean-Luc Rigaut a une nouvelle fois plaidé pour des "contrats globaux de territoires", une contractualisation "globale, transversale, pluriannuelle"), les prochains contrats seront élaborés par les ministères selon une méthode commune, a-t-elle indiqué au passage. Parce que l'actuelle "multiplication et juxtaposition de contrats" est "source de complexité", l'État entend désormais privilégier des contrats "comprenant tous les aspects du territoire", a-t-elle aussi précisé. En ajoutant que l'Agence nationale de la cohésion des territoires, dont la création est prévue par un projet de loi dont le Parlement achève l'examen, "validera" ces contrats. Ce projet de loi prévoit précisément que des "contrats de cohésion territoriale" pourront venir englober multiples contrats préexistants.

Projet de territoire et société civile

Pour être au rendez-vous des défis qui les attendent, les élus intercommunaux doivent s'appuyer sur un projet de territoire établi avec les entreprises, les associations et les citoyens, a souligné Jean-Pierre Balligand, ancien maire de Vervins (Aisne). Un avis partagé par Jean-Luc Rigaut. "Les citoyens ne doivent pas être juste des spectateurs ou des consommateurs, a estimé le président de l'ADCF. Il faut que nous les associions totalement dans nos différents projets de territoire et dans nos choix politiques."

Or l'intercommunalité demeurerait pour les citoyens un objet "extrêmement confus", selon l'avis du politologue Patrick Le Galès. A ses yeux, la culture du consensus à l'œuvre dans la gouvernance intercommunale n'aiderait pas toujours à faire avancer les choses. "Le conflit est parfois une manière d'intéresser le citoyen à la politique, de rendre visible", a-t-il souligné. En se demandant si l'élection au suffrage universel direct des présidents des intercommunalités ne serait pas, à ce titre, une avancée.

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